Ce mercredi, lors du dernier conseil des ministres de la mandature Hollande, un décret « relatif à l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et au partage des avantages découlant de leur utilisation (APA) » a été pris par le gouvernement. Un texte qui concerne tout particulièrement la Guyane, puisqu’il découle de l’affaire dite « du Couachi » (en janvier 2016), opposant plusieurs structures (France Libertés et associations autochtones) à l’IRD*, accusé d’avoir abusé des connaissances traditionnelles guyanaises.
Cette notion d’accès aux ressources génétiques était jusqu’à présent absente du droit français. Elle désigne toutes les pratiques qui visent à s’approprier des ressources biologiques ou des savoirs traditionnels associés à la biodiversité pour en tirer profit. Selon l’Unesco, les peuples autochtones comptent entre 370 et 500 millions de personnes à travers le monde. Détentrices de savoirs ancestraux précieux et de connaissances fines sur leur environnement, ces communautés sont au cœur d’un réservoir de biodiversité qui aiguise les appétits des multinationales.
Il aura fallu près de sept ans pour que la France applique le protocole de Nagoya (qu’elle signait en septembre 2011), le texte étant pourtant entré en vigueur dès 2014 à l’échelle mondiale. Il avait été intégré au sein de la loi pour la reconquête de la biodiversité, voté en mars 2015 par l’Assemblée et validée par le Sénat puis le Conseil constitutionnel à l’été 2016.
« La France se donne ainsi les moyens de lutter contre la biopiraterie et l’accaparement des ressources génétiques au détriment des populations locales, en concrétisant un engagement international pris il y a 25 ans lors du Sommet de la Terre à Rio » peut-on lire dans la loi.
Ainsi, le texte paru mercredi précise les modalités d’accès aux ressources génétiques, et le cadre dans lequel peut être réalisé la « bioprospection » sur le territoire national et ailleurs (par les entreprises françaises). Des « procédures déclaratives » seront imposées à « toute personne souhaitant utiliser des ressources génétiques sous souveraineté française (…) dans un but de recherche », mais également pour une valorisation commerciale.
La consultation des habitants devra se tenir auprès des populations pendant au moins deux mois dans le cadre de la stricte recherche ou collection, et quatre mois si cette recherche est réalisée à des fins commerciales.
Dans ce cas, le partage des avantages devra ensuite être défini par voie contractuelle avec la communauté d’habitants correspondante, sous l’égide de la collectivité territoriale, « ou d’un de ses établissements publics compétents en matière d’environnement » comme l’Observatoire de la Biodiversité Amazonienne de Guyane (OBAG), rattaché lui-même à l’Agence Française de la Biodiversité.
« Ce décret constitue le cadre d’un des principes opérationnels de la loi pour la reconquête de la biodiversité : innover sans piller, pour soutenir l’innovation ainsi que les emplois de la croissance verte et bleue en érigeant contre la biopiraterie un principe de justice », a soutenu Ségolène Royal, la ministre de l’Environnement.
Vers quel type de ‘partage’, de ‘retombées’ ? Le décret stipule plusieurs choses : « Les avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques seront affectés aux projets décrits ci-dessous, bénéficiant directement aux communautés d’habitants : a) Enrichissement ou préservation de la biodiversité in situ ou ex situ, tout en assurant son utilisation durable ; |
*IRD : Institut de Recherche pour le Développement