Elle est guyanaise d’origine chinoise, il est guyano-belge, ils sont chefs d’entreprise et ils portent un regard commun sur notre société avec la force d’un prisme multiple sans complaisance. La voix de ceux qui font la Guyane, qui créent de la richesse et de l’emploi.
Le sous-développement, un choix ?
Près de 20 ans après l’indépendance du Suriname, Maureen Silos publie un essai au titre provocateur : « Onderontwikkeling is een keuze / Le sous-développement est un choix ».
Elle y décrit les différent stades d’un pays sur la voie du développement : dans une première phase dite « culture du cargo », l’Etat colonial envoi par porte-conteneurs entiers tout ce dont sa colonie a besoin.
Elle décrit ensuite un processus au calendrier mal défini au cours duquel l’éducation, la montée en compétences de la population et l’acquisition d’une expérience professionnelle pertinente permettent au territoire d’organiser ses institutions, de valoriser ses richesses naturelles et de structurer son économie (investissement, industrialisation, révolution verte, substitution des importations, etc.).
L’objectif visé est bien entendu une économie où la majorité de la population aurait un niveau de vie confortable, avec une satisfaction de ses besoins vitaux ; c’est-à-dire une économie qui serait productrice de valeur, avec des entreprises qui créent des emplois et permettent à leurs salariés de bâtir une vie, de s’intégrer dans la société.
Et nous, en Guyane, ou en sommes-nous ? Le périmètre de l’analyse n’est bien entendu pas le même puisque la Guyane, c’est la France ; et celle-ci est bien la 5ème puissance mondiale.
Mais en mettant chiffres et statistiques de côté pour un temps, laissez-nous vous conter une histoire vraie :
Pour répondre aux appels d’offres publics (le sort de beaucoup d’entreprises en Guyane), il faut non seulement avoir la capacité technique requise et maîtriser le sujet mais il faut aussi remplir une longue liste de conditions : avoir des plans de prévention divers et variés, disposer de garantie bancaire de plusieurs dizaines de milliers d’euros, être prêt à payer de lourdes pénalités dès le premier jour de retard, être assurés à hauteur parfois de quelques millions d’euros.
Résultat ? Impossible pour une TPE-PME guyanaise d’obtenir un marché. Ne lui reste que la possibilité de travailler comme sous-traitant d’une grosse société métropolitaine (voire de plusieurs sociétés en cascade), c’est-à-dire de réaliser le travail demandé en étant payé une partie (réduite ?) du prix payé à la société attributaire du marché.
En clair, nos collectivités, dirigés par nos élus, choisissent de rémunérer des sociétés qui paient leurs impôts en métropole (dans le meilleur des cas) et dont les salariés sont en métropole. L’argent versé par l’Etat aux collectivités locales repart et la boucle est bouclée.
Comment l’entreprise locale est-elle sensée créer des emplois guyanais ? Le chômage des jeunes à hauteur de 40% et le climat d’insécurité et de délinquance qui en résultent sont-ils des choix délibérés de nos élus ?
Par ailleurs, malgré l’obligation faite à l’acheteur public (= les collectivités) d’allotir les marchés, c’est-à-dire de les découper en (petits) lots afin de faire travailler plus d’entreprises, les collectivités préfèrent avoir un interlocuteur unique et si possible, une société déjà bien établie qui ne va pas réclamer tout le temps le paiement de ses factures.
Comment obliger les acheteurs à appliquer le droit et faire en sorte qu’un maximum de petites entreprises (soit 90% des entreprises en Guyane) travaille, soient payées et à leur tour, créent des emplois ?
Il faudrait un changement de mentalité des acheteurs (collectivités), une prise de conscience de leurs responsabilités en quelque sorte.
Sommes-nous sur la bonne voie ?
Christine Chung & Filip Van Den Bossche
www.guyacom.net
Note de la rédaction :
Saviez-vous que le chantier de l’hôpital de l’Ouest (le CHOG) en est le plus bel exemple ? Une centaine de travailleurs détachés vivent en “base vie” sur le chantier, les matières premières sont importées du Suriname ou viennent de France dont le ciment qui est transformé dans la centrale créée par Bouygues sur place. Tout ceci parce que cette énorme entreprise a fait toutes les études en amont afin de faire l’offre avec un prix imbattable.
L’emploi guyanais dans tout ça ? On fait une convention avec le RSMA pour occuper quelques jeunes et faire de la formation et le tour est joué.
Et vous avez vu quelqu’un s’élever contre ces pratiques ???