Vendredi 27 janvier 2017, Yann Caron, le directeur de l’agence de l’Institut d’Emission des Départements d’Outre-Mer (Iedom) de Guyane, a présenté les chiffres du surendettement sur le territoire. Et si la Guyane fait figure de « bon élève » en matière de surendettement par rapport à la métropole et aux autres DOM, l’étude « n’est révélatrice que des dossiers traités par la commission » précisait d’emblée M Caron. « Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg… »
L’Iedom, à l’instar de la Banque de France en métropole, assure le secrétariat de la commission de surendettement en Guyane. La situation de surendettement est caractérisée par « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir » (Articles L. 711-1 et L. 712-2 du Code de la Consommation). En Guyane entre 2004 et 2015, 182 dossiers ont été déposés en moyenne chaque année par des particuliers.
C’est dans ce cadre que l’IEDOM a réalisé son enquête. L’étude présentée vendredi est basée sur les dossiers traités par la commission de surendettement de Guyane en 2014. « Elle s’intéresse au profil sociodémographique et professionnel des particuliers surendettés, à la structure de leurs ressources et la composition de leur endettement » expliquait le directeur de l’Iedom. Cette étude établit également un comparatif des similitudes et divergences par rapport aux autres DOM et à la France métropolitaine.
La Guyane, bonne élève ?
Si l’on en croit les chiffres révélés la semaine dernière, la Guyane et les DOM font partie des « bons élèves » du surendettement. En effet, avec seulement 1,18 dossier déposé pour 1.000 habitants, elle est loin de la métropole, où ce taux dépasse 4,1‰. La Guadeloupe est mieux placée, avec moins d’un dossier déposé pour mille habitants, quand la Martinique et la Réunion sont respectivement à 1,7‰ et 2‰).
Mais cette différence flagrante trouve plusieurs explications : la pyramide des âges, le taux de bancarisation (nettement inférieur à celui de la métropole), le taux d’endettement plus faible (3.823 € d’encours moyen par habitant en Guyane, 16.418 € en métropole), l’importance du « soutien familial », et « la relative méconnaissance » de la commission de surendettement, voire « certaines réticences. » Ces écarts ont cependant tendance à se rapprocher à mesure que la Guyane entre dans « la société de consommation », avec de plus en plus de dettes liées à la consommation ou à l’immobilier.
Les faibles revenus « responsables » à plus de 40%
« Cette étude est révélatrice de la fragilité économique des ménages » expliquait Yann Caron. La principale cause du surendettement en Guyane ? « Les accidents de la vie (…) qui s’accumulent » poursuivait le directeur de l’Iedom. En effet, la perte de son emploi, le veuvage, les problèmes de santé ou les séparations sont les principaux motifs de surendettement en Guyane (voir camembert). Ils représenteraient plus de la moitié des dépôts de dossiers auprès de la commission.
Mais ces difficultés touchent plus facilement les classes les moins aisées de la population guyanaise. D’après l’Iedom, 65% des personnes surendettées disposent de revenus provenant d’une activité alors que seuls 7% d’entre elles perçoivent les minima sociaux. Cependant, 42% perçoivent moins que le SMIC, dont 11% moins que le RSA. Seul un tiers du « panel » a un revenu supérieur à 2.000 euros par mois.
39% des personnes qui font appel à la commission de surendettement de l’Iedom « n’ont aucune capacité de remboursement » constatait M Caron. Pourtant, ce sont en majorité des actifs. 55,6% sont employés, 7,3% ouvriers, et 1,8% cadres. Les demandeurs d’emplois représentent 27,1% des personnes surendettées. Un chiffre largement inférieur à la moyenne des DOM (42,7%) et à la métropole (28,7%).
Des mères seules principalement impactées
Le profil du surendettement en Guyane est corrélé à la structure de la population guyanaise. En effet, la forte part de ménages monoparentaux (+60%*) a un impact sur le surendettement. « Ce sont en majorité des mères seules, locataires, au chômage, qui élèvent leurs enfants sans n’avoir aucune perspective pour rembourser leurs dettes » détaillait ainsi Marie-Claude Ho-Tsaï, responsable du service Particuliers à l’Iedom.
Des situations induites bien souvent par les charges de la vie courante, les loyers, les huissiers et avocats dans certains cas. Les dettes financières sont composées à 58,9% de crédits à la consommation (70% des dossiers pour 20.000 euros en moyenne) et à 37,7% par les dettes immobilières (79.000 euros, présentes dans 11% des dossiers).
La particularité du cas de la Guyane se situe dans la part des dettes « de charges courantes » qui représente 20% du total des dettes présentées à l’Iedom, quand elle n’occupe que 13% et 11% respectivement pour les DOM et la métropole. « Une expression de la précarité » précisait l’Iedom, qui détaille ces dettes du quotidien : loyer (6.300 € en moyenne), fiscalité (2.200 €), les abonnements « énergie et consommation » (1.130 €, présente dans un cas sur deux).
Prise en charge des personnes surendettées
La Commission de surendettement a accepté plus de 95% des dossiers qui lui ont été présentés en 2014. Face aux difficultés rencontrées par les particuliers (et eux seuls), elle propose deux solutions, en fonction de la capacité de remboursement de la personne ou du ménage. Soit les dettes sont annulées (19,5% des cas, en particulier si la capacité de remboursement est inférieure à 200 euros par mois), soit une solution négociée est trouvée avec les débiteurs (23,4% des cas), et imposent au créditeur de suivre « un plan conventionnel » afin d’apurer ses dettes.
Depuis plusieurs années, la part des solutions négociées diminue au profit des annulations de dettes et des mesures imposées par la Commission (aboutissant ou non à des annulations de dettes). En 2014, les plans conventionnels représentent 23,4 % des décisions prises par la Commission de surendettement contre 64,0 % en 2011 ; les mesures imposées passent de 14,0 % à 50,2 %, et les décisions de rétablissement personnel (PRP) de 9 % à 19,5 %.
Un facteur important détermine le choix fait par la commission de mettre en place un plan conventionnel : l’emploi ou la perspective de retour à l’emploi. « Lorsque le déposant exerce une activité salariée, trouver des solutions d’apurement conventionnelles est plus réalisable : c’est le cas pour 25 % des CDI et 38,5 % des CDD. »
Le logement, première cause de surendettement
Le nombre de cas liés à la difficulté de surmonter les dépenses du quotidien, et en particulier les loyers, serait lié « au resserrement du recouvrement des loyers réalisé depuis quelques temps par les bailleurs sociaux » poursuivait le directeur de l’Iedom, qui jugeait cette situation « normale, nécessaire », pour des cas d’endettements remontant parfois à plusieurs années.
« L’objectif est de redonner la capacité aux gens de faire face à leurs dettes » rappelait cependant Yves Caron, « et de les maintenir dans le logement pour ne pas aggraver la précarité. » La Commission assure de son côté vouloir « trouver des solutions durables » en proposant « des changements de train de vie, de loyer… Mais nous ne sommes pas des juges » pour autant.
Reste que si la Commission de surendettement permet aux ménages affectés de pouvoir « sortir de la spirale » et ce peu importe le montant des dettes, ses décisions sont très encadrées par la loi, et ses critères « très sélectifs » précisait M Caron. « La prévention reste la meilleure façon de régler les situations difficiles » concluait-il. « Nous sommes là pour donner une 2e chance. »