Document cristallisant les passions entre partisans de la relance de l’exploitation du sous-sol et défenseurs de l’environnement, le Code minier entre cette semaine à l’Assemblée, pour peut-être ne jamais en ressortir… fin de session parlementaire oblige.
C’est Nathalie Kozciusko-Morizet, alors ministre de l’Environnement de François Fillon, qui en avril 2011, avait lancé la réforme du Code minier, ce texte qui règlemente l’exploitation du sous-sol français, hérité d’une loi impériale de 1810, et amendé seulement un siècle et demi plus tard (en 1970, 1977 et 1994). En 2013, le pouvoir en place souhaitait lui aussi réformer le Code, suite aux découvertes de pétrole au large de la Guyane, et à la question de l’exploitation du gaz de schiste en métropole.
Entre temps, plusieurs annonces ont été faites par les ministres successifs du « Redressement productif » (Arnaud Montebourg), de l’Economie et de l’Industrie (Emmanuel Macron) ou encore de l’Environnement (Ségolène Royal), assurant que la réforme du Code minier serait entérinée avant la fin du quinquennat de François Hollande. A un mois de la fin de la session parlementaire, rien n’est moins sûr…
Le gouvernement a tout de même engagé la procédure accélérée en décembre 2016 pour cette proposition de loi, et c’est bel et bien ce mardi que l’Assemblée Nationale entame l’examen en séance de ce qui peut être appelé « la réforme du Code minier », qui vise à l’adapter au Droit de l’Environnement, en y intégrant certains thèmes abordés lors de l’accord de Paris (COP21).
La semaine dernière, c’est devant la commission du Développement durable que le texte passait. Il y a été « complété et enrichi » selon le rapporteur Jean-Paul Chanteguet (PS), quand, au contraire, le réseau écologiste Les Amis de la Terre estime qu’il a perdu de sa valeur « en rejetant tous les amendements ambitieux. » Notamment ceux concernant l’extraction d’hydrocarbures.
Favoriser le renouveau minier, associer les concitoyens et protéger l’environnement
La proposition de loi cherche à répondre à « trois objectifs majeurs : mieux prendre en compte les enjeux environnementaux ; mieux associer les populations et les élus des territoires concernés par les activités minières ; apporter une plus grande stabilité juridique à l’économie minière. »
Cette stabilité permettra selon le rapporteur de « favoriser le renouveau minier (…) et de sécuriser les investissement ». Une possibilité de « recours en validation de procédure » est offerte aux « bénéficiaires d’un titre minier », pour leur permettre de contester une décision (défavorable) de l’administration, et ce afin « de ne pas fermer la porte à l’exploration et à l’exploitation des ressources minières françaises. » Pour autant, leur encadrement sera renforcé, promet la proposition de loi.
Ainsi, la création d’un Haut Conseil des Mines devant devenir « un lieu de débat national » permettra à l’Etat de « poser les grandes orientations » de l’activité minière, tandis qu’un registre national centralisera toutes les décisions administratives prises dans le domaine « pour renforcer la transparence » auprès du public, en décrivant notamment les usages miniers autorisés sur le territoire national.
Au niveau local, « la prise de décision des autorités publiques doit associer davantage nos concitoyens » a jugé la commission Développement durable. Le nouveau Code minier introduirait donc la mise en place d’un groupement participatif d’information et de concertation composé des populations, des collectivités territoriales, des associations, des fédérations professionnelles du secteur minier et de personnalités qualifiées.
Ce groupement – sollicité par le préfet – aura la possibilité d’émettre son avis sur un dossier de demande de titre minier, et pourra demander une expertise (prise en charge par le demandeur du permis). En revanche, la décision finale – d’accorder ou non le permis – appartiendrait toujours à l’Etat, et les industriels pourraient être exemptés de livrer certaines informations « relevant du secret industriel » dans le dossier transmis pour consultation publique…
Enfin, en ce qui concerne la question de l’après-mine, le principe du pollueur-payeur a été étendu à l’ensemble des activités régies par le Code minier. L’exploitant ou l’explorateur sera responsable des dommages sanitaires et environnementaux imputables à son activité. En dernier recours, l’Etat suppléera à la défaillance ou à la disparition des responsables des dommages. Il pourra même se retourner contre la maison-mère d’une filiale qui aurait commis les forfaits. Mais selon plusieurs observateurs, la proposition de loi reste « trop vague » sur ce point.
La CTG émet ses réserves et réclame plusieurs amendements
Très attendu en Guyane par les professionnels du secteur, par les associations de défense de l’environnement et par les responsables politiques, ce « nouveau » Code minier a déjà fait l’objet de plusieurs observations par la Collectivité Territoriale (CTG). Celles-ci étaient envoyées le 11 janvier à la députée Chantal Berthelot, qui avait sollicité l’avis de l’assemblée territoriale.
« Face à la recrudescence du nombre de site d’orpaillage illégal sur le territoire du Parc Amazonien, face à l’absence de proposition sur la question de l’or saisi illégalement en Guyane qui quitte le territoire, face à l’absence de mention de la compétence de délivrance pour la CTG des titres miniers maritimes (…) et étant donné l’immense opportunité de développement que représente l’industrie minière terrestre et maritime pour la Guyane, la CTG souhaite réaffirmer par ses remarques sa volonté de défendre les intérêts de son territoire, à la fois économiques et environnementaux, en s’assurant que cette proposition de loi prenne pleinement en compte ses spécificités. »
Outre le fait qu’il s’agisse d’une « version réduite » (passée de 32 à 8 articles), la CTG s’est étonné de « l’absence de propositions » concernant les saisies d’or en Guyane (qui devrait permettre « de venir en aide aux populations impactées » par l’orpaillage illégal), et de « la compétence de la CTG dans la délivrance des titres miniers maritimes » – que Rodolphe Alexandre aimerait voir étendue aux titres miniers terrestres.
La CTG réclame que soit « sanctuarisé » le texte, afin que ne puissent être remises en question les compétences qui lui ont été confiées. Elle souhaite par ailleurs que l’activité pétrolière offshore ne soit pas impactée par cette réforme, tant elle constitue « une opportunité de développement » pour la Guyane, précise Hélène Sirder, vice-présidente en charge du développement durable, des mines et de l’énergie.
Vis-à-vis du groupement participatif intégré dans la proposition de loi, la CTG estime qu’il « affaiblira » la participation du public, en même temps qu’il représentera « une menace pour toute entreprise qui voudra conduire un projet minier » poursuit Mme Sirder, qui souhaiterait aussi obtenir davantage de précisions sur le rôle, la composition et les modalités de gouvernance de la « commission spéciale de suivi » des titres miniers.
Pas d’évolution de la fiscalité ?
Un point crucial n’apparaît nulle part dans les 8 articles qui composent ce nouveau Code minier : celui de la fiscalité. Pourtant évoqué dans les différents groupes de travail mis en place par le Parlement, cette question des retombées économiques pour les communes et les départements où sont implantées les installations minières a tout simplement disparue du débat. Pourtant, un chapitre entier du projet de Code minier présenté par Thierry Tuot en 2013 – sur lequel est basée la proposition de loi – était consacré à la fiscalité…
Pour rappel, les retombées fiscales de l’exploitation aurifère (au profit de la CTG en ce qui concerne la Guyane) sont infimes : en fonction du type d’exploitation, la taxe correspond à 1 ou 2% du cours moyen annuel d’un kilo d’or constaté sur le marché de l’or de Londres (London Bullion Market). Au cours actuel du précieux métal (36.400 euros le kilo), cela représente environ 400 euros à débourser par kg pour une PME, et un peu plus de 800 €/kg d’or extrait pour une plus grande entreprise.
Le calendrier parlementaire et le lobbying des industriels ont visiblement permis de remettre à plus tard l’évolution de ce « détail » de l’exploitation minière… Gageons qu’il fera l’objet d’un débat lors d’une prochaine révision du Code général des impôts.