« Si à 20 ans tu n’es pas de gauche, c’est que tu n’as pas de cœur. Si à 40, tu l’es toujours, c’est que tu n’as pas de tête. »
Cet adage, ancien, opposait les valeurs humanistes de la jeunesse : solidarité, générosité, altruisme… à celles plus personnelles de l’adulte : individualisme, protectionnisme (de soi, de sa famille, de son patrimoine), …
Aujourd’hui, on nous avance que le débat droite-gauche est dépassé. Des candidats capitalisent sur le dépassement du clivage et s’autoproclament anti-système. Parmi ces derniers, des figures emblématiques telles que Macron « Nous ne sommes ni de droite ni de gauche », Le Pen et Mélenchon « nous sommes ceux d’en bas contre ceux d’en haut ».
Anti-système, sérieusement ? Mélenchon (professionnel de la politique), Le Pen (professionnel de la politique et millionnaire), Macron (professionnel de la politique, millionnaire et membre émérite de l’élite – Sciences PO, ENA, Inspecteur des finances, Banquier) ou comment prendre des vessies pour des lanternes.
Certes, la Gauche française n’est plus crédible. Elle n’a pas su résoudre la contradiction entre l’impasse libérale (le profit qui détruit les liens sociaux) et la gauche « sociétale » (la lutte contre les discriminations sans remise en cause du libéralisme économique). La Gauche fait du sociétal : droit des minorités, mariage pour tous, droit à l’enfant, accompagnement des délinquants… Problème, la Gauche ne fait plus du social : classe ouvrière, France périphérique (banlieues), monde rural… DOM.
Tous ces candidats anti-système semblent oublier un truc pourtant intéressant que l’on appelle le principe de la réalité.
Tout d’abord, comment peut-on défendre à la fois l’intérêt du peuple et douter de sa capacité à savoir ce qui est bon pour lui ? Ainsi, c’est bien le peuple qui vote ou qui plébiscite le capitalisme et la consommation. On rétorquera que l’abstentionnisme grandit et que le capitalisme a tant changé l’homme que ce dernier est supposé écrasé par le marché. Peut-être est-ce le cas.
Mais le peuple n’est pas une victime : personne n’est forcé de s’abstenir de voter ou de dépenser son argent d’une façon déterminée. Par exemple, rien n’oblige le peuple à se ruer sur le dernier smartphone.
Ce n’est pas en évoquant le peuple qu’on sortira des crises actuelles. Il est vrai que le libéralisme d’aujourd’hui se heurte à des limites à la fois externes (épuisement des ressources naturelles) et internes (disparition du travail à cause des technologies alors que le travail reste la base de l’organisation sociale). Il est vrai également que le libéralisme a engendré une spéculation financière obsédée par les chiffres et insensible aux désastres qu’elle produit, une mondialisation de l’économie au détriment des industries locales, une bureaucratie internationale qui remet en cause les souverainetés nationales, des multinationales si puissantes qu’elles peuvent échapper à leurs responsabilités – fiscales, sociales ou environnementales…
Mais, en dépit de ces imperfections, notre « système », c’est aussi notre école gratuite, notre sécurité sociale, notre liberté d’expression…
Le terme de « populisme » est bien vague. Mais il est tendance. Il se revendique pour « les discours de vérité » et contre la « bien-pensance », contre la légendaire « pensée unique ».
Sauf que ce n’est plus la « pensée unique » qui domine, sous-entendu la pensée de gauche humaniste et droits-de-l’hommiste. Ce qui est à l’œuvre aujourd’hui, c’est le triomphe du populisme droitier autoritaire (même Mélenchon), voire ultralibéral (pas Mélenchon). Dans tous les cas, c’est la droite identitaire qui fixe l’agenda idéologique. Ce n’est plus Stéphane Hessel, mais Eric Zemmour qui cartonne en librairie, ce n’est plus Indignez-vous ! mais Le Suicide français. Sur tous les écrans, sur tous les supports : journaux, magazines, réseaux sociaux.
L’anti-système devient système puisqu’aujourd’hui largement majoritaire. Les candidats anti-système deviennent de fausses alternatives déjà par leur parcours personnel et parce qu’ils sont devenus les candidats … du système.
Farouk AMRI