Lors de la conférence de presse tenue hier matin en préfecture à propos des dernières attaques menées par les garimpeiros, le préfet Martin Jaeger et le procureur Eric Vaillant ont rendu hommage aux “300 à 400 militaires qui sont chaque jour sur le terrain” pour lutter contre l’orpaillage illégal. “C’est pour eux, comme pour nous, une préoccupation constante” ont-il assuré.
Avec plus de 16 millions d’euros de matériel et d’or saisis en 2015, et déjà 4 M€ de “prises” depuis le début de l’année, les responsables de l’opération Harpie n’ont pas caché leur satisfaction. “Notre objectif et de rendre l’orpaillage illégal le plus cher possible afin d’endiguer le phénomène” explique ainsi un gendarme.
Pour continuer le travail, le préfet a fixé les grandes lignes de la stratégie Harpie pour l’avenir : renforcement de la présence en forêt pour “occuper le terrain”, intensification des actions visant à “couper les flux logistiques”, accroissement du renseignement autour de l’activité illégale en “impliquant la population guyanaise dans la lutte”, ainsi qu’en renforçant la coopération avec les pays voisins.
Plus de “justice” en forêt
Les acteurs de la lutte s’adaptent continuellement aux pratiques des garimpeiros qui “connaissent de plus en plus de difficultés à exercer leur activité”. Et pour compléter le panel d’outils des FAG et de la Justice, le procureur et les parlementaires souhaitent permettre aux militaires de réaliser davantage de saisies et de destruction, par l’intermédiaire d’Adjoints de Police Judiciaires.
Selon les FAG, un tel dispositif permettrait de réaliser “environ 20% de destructions supplémentaires”, de leur faire gagner du temps lors des patrouilles, et ainsi d’accentuer la pression sur les illégaux. Les “ministères concernés” ont été contactés pour intégrer ce nouvel outil à la loi.
La coopération au point mort ?
Bien que récemment, les ministres de l’Outre-mer et des Affaires étrangères se félicitaient de l’augmentation des opérations militaires en coopération avec le Brésil (et à moindre mesure avec le Suriname), le procureur a donné un avis plus mitigé en ce qui concerne la coopération judiciaire. “On se parle, mais d’homme à homme” a-t-il expliqué, regrettant que depuis un an environ, il n’y a plus de magistrat de liaison à Brasilia.
Le préfet a pour sa part rappelé que la coopération transfrontalière devait nécessairement passer par les canaux diplomatiques, malgré la proximité directe avec nos voisins. “Les systèmes judiciaires et administratifs ne sont pas les mêmes que chez nous. Il existe par ailleurs une véritable ‘marche’ entre les moyens dont dispose la France et ceux du Suriname ou même du Brésil” a-t-il insisté.
Etre intraitables avec les récidivistes
La lutte contre “l’orpillage” passera pourtant par une coopération renforcée avec les pays voisins, d’où partent tous les trafics (humains et matériels) liés à l’activité. Et justement, afin d’inciter les clandestins à ne plus s’installer sur le sol guyanais, l’Etat compte “axer son travail sur les expulsions”, en devenant “intraitable” vis-à-vis des garimpeiros déjà expulsés qui reviendraient sur le territoire. “Nous allons changer de stratégie” a assuré le préfet.
“Nous ne parlons pas des frontaliers qui profitent de la carte mise en place par le gouvernement” précisait-il, “nous parlons des garimpeiros qui ne semblent pas comprendre qu’ils sont indésirables en France”. D’après lui, les amendes et le risque de devoir terminer en prison en cas de retour en Guyane après avoir reçu une OQTF* devraient rapidement amener les garimpeiros à revoir leur intention de piller les ressources guyanaises…
Si les autorités se sont dit confiantes vis-à-vis de la poursuite des actions contre les réseaux clandestins, elles ont reconnu que la masse de travail à accomplir pour parvenir à véritablement juguler l’orpaillage illégal sur le territoire était “encore très importante”. La protection de l’environnement, des ressources, et de la santé des populations passeront nécessairement par la poursuite et le renforcement des actions d’Harpie. “Nous sommes là pour faire en sorte que la Guyane puisse mieux vivre demain” a conclu le commandant des FAG, Pierre-Jean Dupont.
Mais à plus de 34.000 euros le kilogramme d’or, l’extraction aurifère reste une activité très rentable pour les chefs de réseaux illégaux, qu’ils soient logistiques, humains ou “industriels”. Selon les dernières estimations de la préfecture, 6.000 personnes seraient actuellement en forêt, en baisse de 30% par rapport à 2014. Chaque année, quelques 10 tonnes d’or seraient extraites illégalement du sous-sol guyanais…
*OQTF : Obligation de Quitter le Territoire Français